Alexander Grischuk est le numéro 4 mondial actuel, tête de série numéro 3 de ce Tournoi des Candidats et le joueur du plateau avec le plus d'expérience dans la compétition. Pourquoi le favori des fans n'est-il pas placé au même niveau que Fabiano Caruana et Ding Liren en tant que grand favori pour remporter Ekaterinbourg ? Gagné ! Il s'agit juste de gestion du temps, nos experts accordant à Alexander une note de 2/15 dans cette catégorie qui peut faire réfléchir...
Alexander Grischuk s'est qualifié pour le Tournoi des Candidats 2020 en remportant le Grand Prix Fide 2019. Il a terminé deuxième à Moscou (en battant Karjakin, So et Nakamura avant de perdre contre Nepomniachtchi après départage), a atteint les demi-finales à Riga (en battant Vitiugov et Yu Yangyi avant de s'incliner contre MVL) et a remporté Hambourg (en battant Wojtaszek, Navara, MVL et Duda). Quoi qu'il arrive à Ekaterinbourg, il est certain que Sasha sera une belle plus-value en terme de divertissement !
Mais que savons-nous du n°1 Russe ?
Voir aussi le profil d'Alexander
Grischuk.
Il est clair que si les Candidats étaient un concours de popularité, Alexander Grischuk serait difficile à battre. Nos trois experts sont de grands fans, Laurent Fressinet révélant même qu'Alexander, Grand-Maître ayant également joué au poker à un niveau professionnel, lui avait appris à jouer au poker Chinois. Peter Heine Nielsen a résumé :
Je ne le vois pas comme un des favoris. Comme vous deux, je suis un grand fan de Sasha en tant que joueur d'échecs. Je l'apprécie vraiment en tant que personne et je pensais également que c'était un bon ami, mais il ne m'a pas appris à jouer au poker Chinois, ce qui est un peu insultant, peut-être !
Leur vidéo de 41 minutes fut la deuxième plus longue de la série et inclut une analyse de la victoire de de Grischuk qui a éliminé MVL du Grand Prix d'Hambourg :
Voici les notes qu'ils ont attribué à Grischuk (ils lui ont tous étonnamment donné 24 points !) :
Comme vous pouvez le voir, Grischuk n'a presque que des 4 et des 5 dans les catégories purement en rapport à sa capacité à jouer aux échecs, personne ne doutant de son talent. Il n'y a que deux domaines qui le freinent et l'un d'eux, la "combativité", n'est sans doute pas un problème pour les Candidats. Laurent et Jan justifient leurs mauvaises notes par le fait que si Grischuk commence mal et estime qu'il n'a aucune chance de se qualifier, il perdra sa motivation. Jan déclarant qu'il sera "prêt à s'arrêter très rapidement" et à se laisser porter jusqu'à la fin de l'évènement.
Peter répondit en se concentrant sur ce qui pourrait arriver si Grischuk a encore une chance théorique de gagner :
Je lui ai donné 5 car je pense qu'il est prêt à tout pour gagner le tournoi et le meilleur exemple est le dernier Candidats
A deux rondes de la fin, Caruana et Karjakin étaient en tête à Berlin avec 7 points alors que Mamedyarov, Grischuk et Ding Liren les poursuivaient avec 6,5. Grischuk a commencé sa conférence de presse après sa défaite contre Mamedyarov en disant :
C'était une situation stupide. Nous devions gagner tous les deux. Pour moi, il n'y avait presque aucune différence entre une nulle et une défaite...
Bien qu'il ait vu une nulle facile (pas tout à fait une répétition, comme Peter l'a mentionné - pour plus de détails, voir cet article) il a décidé de jouer. Peter commenta :
Grischuk se dit : j'ai 10% de chance de gagner ça, mais cela signifie que j'ai 50% de chance de perdre. Et sans hésiter, il se dit : eh bien, je dois gagner, je m'en fiche !
Grischuk est finalement tombé dans un réseau de mat et a perdu, mais comme il s'agit d'un tournoi où seule la première place compte, il est difficile d'argumenter que Grischuk n'a pas pris la décision avec la meilleure espérance :
Grischuk à Berlin en 2018, le jour où ses espoirs de Championnat du Monde se sont évanouis| photo: Niki Riga
Le talon d'Achille de Grischuk est sa gestion du temps. Il y eu des discussions pour savoir si c'était une conséquence de son perfectionnisme, de la procrastination (Laurent : "La moitié du temps pris dans l'ouverture, je ne pense pas qu'il réfléchisse vraiment à la position !") ou un désir semi-conscient d'un accro à l'adrénaline désireux de faire face aux moments critiques avec quelques secondes au compteur, mais comme Jan l'a résumé avec une phrase du grand Viktor Korchnoi : "il n'y a pas de héros en zeitnot". Grischuk s'en approche, mais bien qu'il joue avec plus de sang froid que n'importe qui d'autre en manque de temps, cela coûte d'innombrables points au joueur Russe. Il est conscient de sa faiblesse, bien sûr, mais s'il n'a pas réussi à surmonter son problème en 20 ans de carrière, il est peu probable qu'il y arrive maintenant.
Résumons les raisons pour lesquelles Grischuk va, ou ne va pas, remporter les Candidats !
Il vit pour ces évènements : A 17 ans, Alexander Grischuk fit son entrée sur le devant de la scène mondiale en atteignant les demi-finales du Championnat du Monde FIDE 2000, bien qu'il ait commencé comme tête de série n°46 :
Trois victoires avec les blancs puis une nulle permit à Alexei Shirov d'empêcher Alexander Grischuk, alors adolescent, d'atteindre la finale du Championnat du Monde| image: Wikipedia
Boris Gelfand se qualifie pour le match du championnat du monde 2012
On ne doute pas que Grischuk viendra aux Candidats d'Ekaterinbourg avec une seule pensée en tête - gagner le tournoi et affronter Magnus Carlsen pour le titre de Champion du Monde.
Expérience : 2011 ne fut pas la première expérience de Grischuk aux Candidats. En effet, il avait remporté deux matchs de Candidats contre Vladimir Malakhov et Sergei Rublevsky en 2007 pour se qualifier au Championnat du Monde à 8 joueurs de Mexico plus tard cette année là (Grischuk a fini dernier, perdant 3 de ses 5 dernières parties). Il a aussi joué les Candidats en 2013 à Londres et en 2018 à Berlin. Les choses ne s'étaient pas passées comme prévu, mais il sait exactement à quoi s'attendre.
Il sera bien préparé : Grischuk ne sera probablement pas juste très motivé mais aussi très bien armé. Jan commenta : "Il a énormément d'idées, beaucoup de préparation très intéressantes", Peter a approuvé que nous allons voir "des préparations très intéressantes et agressives". La seule raison pour laquelle il n'a pas collectionné les 5 en préparation, c'est parce que nos experts ont estimé que des joueurs comme Giri ou Caruana auraient une préparation plus complète. Peter a résumé la situation :
Sa présence est une victoire pour tous les tournois parce qu'il y va, et c'est amusant à voir. Il va venir avec des préparations qui si elles ne sont pas bonnes, seront au moins intéressantes.
La pendule : Il en reste encore un peu à ajouter à ce sujet. Bien que l'incrément dès le premier coup assure qu'il est peu probable qu'Alexander perde des parties au temps, la probabilité qu'il gâche des positions gagnantes ou perde des positions nulles en raison de la pression du temps n'est pas à négliger. Il y a aussi la pendule plus métaphorique : c'est peut-être l'une des dernières chances pour Grischuk de se battre pour le titre de Champion du Monde. Il approchera de la quarantaine au prochain cycle et des joueurs comme Alireza Firouzja pourraient bien devenir bientôt des prétendants au titre mondial.
Vlad Tkachiev, le secondant régulier de Grischuk, a, un jour, tenté de classer les générations de joueurs d'échecs. Grischuk figure dans la quatrième génération, celle des joueurs nés entre 1982 et 1985. Voici ce que Vlad avait à dire :
Generation №4
C'était le Big Bang ! C'était époustouflant d'observer les exploits successifs des leaders de ce mouvement : d'abord Etienne Bacrot à la fin des années 90, puis Grischuk en 2000, Ponomariov en 2001 et enfin Aronian en 2006. Ils continuent, comme auparavant, à faire avancer les échecs et à échanger leurs places au classement . Ils n'ont pas montré tout ce dont ils étaient capables. La faute en revient, à mon avis, aux énormes tentations de l'ère numérique qui s'est soudain ouverte à eux : poker, paris en ligne, sports en direct sur internet. Le résultat : un manque de concentration qui frise le laisser-aller. Je crois que cette génération peut produire un Champion du Monde de en parties classiques - ils ont remporté tous les autres titres.
Levon Aronian et Shakhriyar Mamedyarov étant tous deux absents à Ekaterinbourg, Alexander Grischuk est le seul joueur restant qui pourrait concrétiser le potentiel de cette génération en 2020.
Il gagne rarement les supertournois : C'est un refrain constant dans nos présentations, mais il est difficile de gagner un supertournoi à la demande quand on n'en a pas pris l'habitude au cours de ses 20 ans de carrière. Il n'est pas vrai que Grischuk n'a remporté aucun supertournoi - Linares 2009 (1er au tie-break du plus grand nombre de victoires devant Ivanchuk puis Carlsen, Anand, Radjabov, Wang Yue, Aronian et Dominguez) et le Tashir Petrosian Memorial 2014 (1er d'un point devant Kramnik, Aronian, Gelfand, Ding Liren, Leko, Inarkiev et Morozevich) en sont deux exemples incontestables. Ce dernier succès a fait entrer Grischuk dans le club des 2800, mais c'est un bien maigre pour un joueur aussi talentueux.
Alexander Grischuk a battu Alexander Morozevich en 2014 au Tashir Petrosian Memorial | photo: Eteri Kublashvili
Quoi qu'il en soit, Alexander Grischuk est un joueur qu'il faudra garder à l'oeil pendant ce Tournoi des Candidats débutera (espérons le !) dans 6 jours !
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